La République Démocratique du Congo devrait plutôt s’investir à développer à l’intérieur de son territoire des Pools énergétiques conformes à ses ambitions d’émergence à l’horizon 2030.
Boma – Lubumbashi, Déclaration de Cinq organisations de la société civile impliquées dans la gouvernance des ressources naturelles du Kongo Central et de l’ex – Katanga.
Le Congo d’abord : les organisations de la société civile recommandent au Gouvernement de la République Démocratique du Congo d’abandonner la mise en œuvre du projet Inga 3 pour se consacrer prioritairement à la mise en valeur de son énorme potentiel énergétique durable pour répondre efficacement à ses besoins de desserte nationale et ses ambitions de nation émergente.
En effet, le Gouvernement de la République démocratique du Congo avait doté le pays d’un Plan[1] national stratégique de développement 2017-2021[2] (PNSD) qui reflète la vision et le cadre stratégique pour affronter les défis du développement à l’horizon 2050. Ce plan est axé sur l’industrialisation des secteurs de base, le développement agricole et l’amélioration de la productivité du secteur minier et industriel.
Les autorités publiques de la RD Congo devraient donc s’investir à mettre en place dans chaque Province un Pool énergétique associant les ressources énergétiques disponibles : le solaire, l’éolien, la géothermie, l’hydraulique à moyenne et petite échelle, le gaz méthane, le biogaz… Chaque Pool serait comme un Hub énergétique connecté au réseau électrique existant et aura pour vocation d’assurer l’éclosion et le maintien du développement local grâce à une énergie propre de qualité, permanente, disponible et accessible à tous les consommateurs.
Les Pools énergétiques présentent les avantages d’exploitation combinée et d’interconnexion de toutes les ressources énergétiques disponibles et mises en valeur dans une Province. Du coup, ils résolvent simultanément la problématique du déficit énergétique vécu sur l’ensemble du territoire national et constituent de ce fait une puissante autonomie énergétique capable de soutenir durablement les ambitions d’émergence et de développement de la RD Congo.
Si les organisations de la société civile signataires croient que les ambitions d’émergence déclarées par les autorités publiques congolaises sont très louables, elles fustigent néanmoins l’orientation de la politique énergétique du gouvernement qui consacre beaucoup d’effort pour le développement d’un ambitieux projet intégrateur qui ne pourra pas bénéficier[3] à une majeure partie de la population congolaise et qui pourrait avoir des conséquences négatives sur l’économie, l’environnement, les populations riveraines et celles qui sont le long de la ligne de transport.
Mégaprojet trop couteux : Avec un cout estimé à 13,9 milliards de dollars et les surcouts considérables inhérents aux mégabarrages, les organisations signataires expriment de vives appréhensions quant au mécanisme d’engagement financier de la RD Congo et craignent que cela ne mette à mal des générations futures congolaises entières et n’étouffe même les ambitions d’émergence de la RD Congo.
Dégâts écologiques et sociaux : les impacts environnementaux du projet Inga 3 et la délocalisation de plus de 10.000 personnes dans la zone d’Inga devraient amener les autorités publiques congolaises à favoriser le développement des centrales hydroélectriques de petite et moyenne tailles ayant de très faibles impacts environnementaux et s’insérant comme un maillon important dans la chaine des ressources énergétiques constituant et alimentant le Pool énergétique à développer dans chaque Province de la RD Congo. Par ailleurs, les perturbations climatiques affectant la pluviométrie, les affluents du fleuve Congo et la variabilité du niveau de l’eau du fleuve Congo doivent amener à réfléchir avant d’engouffrer le Congo dans un tel projet.
Les organisations signataires croient que la République Démocratique du Congo gagnerait davantage en consentant d’énormes sacrifices financiers pour développer son autonomie énergétique[4] en lieu et place de soutenir un projet visant principalement à combler les besoins énergétiques d’autres pays.
Les organisations de la société civile notent que seule la matérialisation d’une volonté politique visant notamment le développement d’un mix énergétique dans les différents pools énergétiques des provinces que la République Démocratique du Congo soutiendra de manière tangible ses ambitions d’émergence en boostant une industrialisation prudente et avisée et en s’assurant prioritairement un développement grâce à la promotion de la production, la transformation locale et l’exportation. L’agriculture devrait être prise comme socle de son émergence.
Outre les considérations pertinentes évoquées ci-haut, les organisations de la société civile soulèvent des inquiétudes sur le développement actuel du projet Inga 3. Elles constatent que déjà les Etudes d’impacts ne sont pas réalisées, les communautés locales d’Inga ne sont pas informées et consultées et les antécédents sociaux liés à l’érection du site d’Inga et à la mise en œuvre des barrages Inga 1 et 2 restent entiers jusqu’à ce jour. Les potentielles violations des droits humains en lien avec la délocalisation des communautés locales inquiètent au plus haut point les populations locales à Inga. La présence de la Chine au sein du Consortium appelé à développer le projet Inga 3 ravive ces inquiétudes du fait que ce pays est moins regardant en ce qui concerne le respect des droits humains.
Par ailleurs, les délocalisations des populations locales observées dans le secteur minier et principalement dans la région de l’ex Katanga soulèvent de fortes inquiétudes sur le développement du projet Inga 3.
Les organisations signataires estiment que le projet Inga 3 serait en contradiction avec les engagements du gouvernement dans la mise en œuvre de l’Agenda d’Action – Pays[5] (AAP) et le Prospectus d’Investissement (PI) qui devraient donner un accès à l’énergie durable pour tous et pour toutes en RDC à l’horizon 2030. Ainsi, le droit d’accès à l’énergie électrique étant garanti selon l’Article 48 de la Constitution congolaise, les organisations signataires recommandent au Gouvernement congolais :
- L’Abandon du développement du projet hydroélectrique Inga 3 ;
- De s’investir à développer dans toutes les Provinces des Pools énergétiques conformes à ses ambitions d’émergence ;
- De poursuivre la réhabilitation des infrastructures énergétiques existantes et leur assurer une maintenance responsable afin qu’Inga 1 et 2 fonctionnent au mieux de leur capacité, réduisant ainsi sensiblement le déficit énergétique vécu actuellement.
- De faciliter le développement des solutions énergétiques décentralisées par l’amélioration du climat des affaires.
Contact Media :
Jean-Marie MUANDA
Tél : +243 81 90 55 743
E-mail : adevcongo@gmail.com
Freddy KASONGO
Tél : +243 99 55 67 001
E-mail : oearserdc@gmail.com
Pour les organisations signataires
N°
Structures
Sigles
Responsables
01
Actions pour les Droits, l’Environnement et la Vie.
ADEV
Jean-Marie MUANDA
02
Convergence pour les Droits et Intérêts des Communautés Locales d’Inga.
CODICLI
François VANGU PILA
03
Dynamique pour le Droit, la Démocratie et le Développement Durable.
D5/ ASBL
Roger MAVUNGU KAMA
04
Initiative pour le Développement Local
IDEL
Apollinaire NSOKA NGIMBI
05
Observatoire d’Etude et d’Appui à la Responsabilité Sociale et Environnementale.
OEARSE
Freddy KASONGO
Références :
[1] Ce plan se décline en trois séquences qui consistent à conduire la RDC au niveau des pays à revenu intermédiaire en 2021, hisser la RDC dans le giron des pays émergents en 2030 et la dernière phase table sur une République démocratique du Congo développée en 2050.
[2] La période 2017-2021 devrait correspondre, d`après le plan national stratégique de développement, à la phase de décollage vers l`émergence. Des transformations structurelles et économiques sont prévues, ainsi qu`une amorce de la transition pour l`inclusion sociale. La période 2022-2031 devrait correspondre à un développement socioéconomique soutenu, l`inclusion sociale et la réduction des inégalités.
[3] L’analyse de la clé de répartition proposer pour INGA 3, démontre d’avantage le désintéressement d’électrification du milieu rural ou les taux de connexion sont restés très bas et ou les populations locales continuent d’utiliser le bois de feu comme principale ressource énergétique,
[4] Sans compter les surcouts, 13,9 milliards de dollar consacrés uniquement à Inga 3 seraient assez suffisants pour doter un Pool énergétique à chaque Province de la RD Congo et construire autant de barrages hydroélectriques de la taille de Zongo et Busanga par exemple.
[5] Agenda d’Action – Pays (AAP) vise des objectifs ambitieux comme l’accès pour tous à l’électricité et à la cuisson propre ; L’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique du pays et l’amélioration des services énergétiques en vue d’augmenter des économies